Le cadre juridique touchant l’image est relativement complexe. Si vous réalisez des photographies (ou des vidéos) de personnes sans autorisations, si vous publiez des images tirées d’un magazine, d’un autre site web, et dans de nombreux autres cas de prises de vues ou de présentations d’images, vous relevez de différentes lois issues : du droit pénal, du droit civil (1), du droit de la propriété intellectuelle, ou du droit administratif.
L’utilisation non autorisée d’images (publication sur un support quel qu’il soit) présentant des objets, œuvres d’art, monuments, paysages, animaux ou personnes fait courir à l’utilisateur le risque d’être condamné civilement et pénalement. L’article 9 du Code civil stipule en effet : chacun a droit au respect de sa vie privée (loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens). L’usage, sans son autorisation, de l’image d’une personne dans le cadre de sa vie privée peut donc entraîner la mise en cause de la responsabilité de l’utilisateur. Il faut pour cela que la preuve de l’existence d’un préjudice constitutif d’une atteinte à la vie privée soit faite. La condamnation peut recouvrir la forme de dommages et intérêts, de saisie des biens incriminés, de publication judiciaire dans un organe de presse. Si l’usage fait apparaître en plus une intention de nuire, l’affaire sera alors traitée au pénal.
Autorisation expresse !
Par principe, toute personne, quel que soit sa notoriété, dispose sur son image et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif et peut s’opposer à sa reproduction et diffusion sans son autorisation. Vous devez donc veiller à recueillir, avant la mise en ligne de la photo, une autorisation expresse de la personne qui y figure. Il en va ainsi des clichés ou même des vidéos prises dans un lieu privé, représentant des scènes de la vie familiale, dévoilant l’état de santé de la personne, ou la présentant dans des moments d’intimité. Qu’il s’agisse d’une personne célèbre, de votre famille, ou de votre voisin, une autorisation est nécessaire. La plupart des images diffusées sur Facebook et accessibles à tous sont concernées et des milliers (millions ?) d’utilisateurs des réseaux sociaux pourraient être poursuivis devant les tribunaux sur les bases de la législation actuelle. A défaut d’autorisation, la personne dont l’image a été divulguée, a la possibilité d’ester en justice (2) : le juge des référés dispose à cet égard du pouvoir de prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser l’atteinte. Il peut attribuer également des dommages et intérêts. Par ailleurs, vous vous exposez à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas de divulgation sans autorisation (article 226-1 du Code pénal) (3).
Imbrication des droits
Pour une photographie, il y a trois protections qui s’imposent et s’imbriquent :
- celle de l’auteur, du créateur (le photographe ou vidéaste);
- celle de l’éventuel diffuseur (entreprise, société de presse, webmaster, blogueur…);
- celle du sujet.
La notion de sujet peut être subdivisée en trois grandes parties :
- le sujet proprement dit, la ou les personne(s), voire un animal (chevaux de course, chiens de race…);
- l’objet (machines, statues, objets d’art…);
- le lieu représenté, les bâtiments, villages ou paysages…qui peuvent être protégés également.
Présenter une photographie d’un sujet sur sa page Facebook ou son blog est une action qui nécessite normalement un double accord : l’autorisation de la ou les personnes concernées et l’acquittement des droits pour la photographie (versement d’une rémunération au photographe/vidéaste-auteur).
Une proposition de loi séduisante jamais adoptée
Le 16 juillet 2003, une proposition de loi visant à donner un cadre juridique au droit à l’image et à concilier ce dernier avec la liberté d’expression était présentée par Patrick BLOCHE et Jean-Marc AYRAULT et déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale. Cette proposition souhaitait inverser la logique du Code civil en autorisant l’usage de l’image des personnes et des biens tant que cela ne leur porte pas préjudice. L’article 9 du Code civil était ainsi amendé par un article 9-2 disposant que : « Chacun a un droit à l’image sur sa personne. Le droit à l’image d’une personne est le droit que chacun possède sur la reproduction ou l’utilisation de sa propre image. L’image d’une personne peut toutefois être reproduite ou utilisée dès lors qu’il n’en résulte aucun préjudice réel et sérieux pour celle-ci. » Dans le domaine des biens, la proposition aurait également créé un article 544-1 du Code civil disposant que : « Chacun a droit au respect de l’image des biens dont il est propriétaire. Toutefois, la responsabilité de l’utilisateur de l’image du bien d’autrui ne saurait être engagée en l’absence de trouble causé par cette utilisation au propriétaire de ce bien. » Cet amendement n’a malheureusement pas été retenu lors de la réforme de 2006 portant sur le droit d’auteur.
Dans une société où tout devient monnayable, les procès mettant en cause de simples photographes ou photojournalistes exerçant normalement leur métier sont encore nombreux. Si la jurisprudence actuelle joue plutôt en faveur des photographes, il serait bon que le législateur achève de protéger celles et ceux qui témoignent au quotidien, par leurs images, de la vie d’une société, fut-elle mercantile et terriblement égoïste.
Et la liberté de la presse ?
Ceci expliquant cela, on comprend pourquoi de nombreuses photographies de presse dans les années 90 représentaient des villes désertes, des personnages vues de dos…Je vous conseille sur ce point de redécouvrir les photographies, au demeurant toujours excellentes, publiées dans le journal Libération au cours de cette période.
Depuis quelques années, la situation a un peu évolué. Il est vrai aussi qu’à titre exceptionnel, la liberté de la presse et le droit à l’information du public permettent, en certaines circonstances, de limiter le caractère exclusif du droit à l’image. Ainsi, les personnages publics et les célébrités, dans l’exercice de leur fonction ou de leur activité professionnelle, peuvent voir leur image utilisée à des fins d’actualité ou de travail historique, à la condition toutefois que les nécessités de l’information et de l’actualité le justifient et sous la réserve du respect de la dignité humaine. Dans de telles hypothèses, il n’est pas nécessaire de recourir à une autorisation individuelle. Il convient encore d’accorder une attention particulière aux légendes accompagnant les photos. Pas question, par exemple (et cela s’est réellement produit), de photographier deux jeunes femmes au hasard dans la rue et de légender « grand retour des prostituées dans le quartier X » (diffamation et injure).
Mais que peut-on encore photographier ?
Beaucoup de choses. Dans le cas d’images prises dans des lieux publics, vous devez uniquement obtenir une autorisation de la ou des personnes qui sont isolées et reconnaissables. A défaut, vous n’aurez pas à recueillir l’autorisation de toutes les personnes qui figurent sur la photo. Vous pouvez vous contenter de faire signer une autorisation à la personne qui représente le sujet principal de l’image, qui est reconnaissable. Vous pouvez aussi photographier les rues et paysages, maisons et jardins…En effet, face à des situations ubuesques et sordides (plaintes pour avoir photographié une statue, une barque, un mur, un cheval, une œuvre d’art dans une photographie de paysage urbain…), les juges souhaitent aujourd’hui que la preuve d’une volonté de nuire soit apportée, que le préjudice soit réel et incontestable. C’est du moins ce que la jurisprudence actuelle tend à démontrer. Mais il ne s’agit que d’une jurisprudence, dura lex, sed lex.
Ce qui doit figurer dans le document que vous ferez signer aux personnes photographiées :
- Nom et adresse de l’établissement (Lycée, entreprise, association…)
- Autorisation de prises de vues : par qui, dans quel lieu, dans quel cadre, avec quels objectifs… par les personnes majeures elles-mêmes (Nom et Prénom des élèves, membres du personnel…) ; ou par les responsables légaux (Nom et prénom) des personnes mineures (Nom et Prénom)
- Autorisation d’usage de la photographie par les personnes majeures elles-mêmes (Nom et Prénom des élèves, membres du personnel…) ; ou par les responsables légaux (Nom et prénom) des personnes mineures (Nom et Prénom)
- L’usage doit préciser les lieux concernés (bureau, poste de travail, salle de classe…) ;
- L’usage doit préciser le support ainsi que le type de présentation et de diffusion : tableau, site web, intranet, fiches, badges, livre, plaquette… L’usage doit préciser la durée d’exposition, de conservation, etc. L’autorisation doit être limitée dans le temps.
- Prévoir un droit de renoncement (à tout instant, la personne photographiée peu refuser de figurer dans d’autres publications. Ce droit ne s’appliquerait alors qu’aux nouvelles publications)
- Il est nécessaire de préciser que les données seront protégées et sécurisées si elles sont mises en ligne par exemple
- Si des fichiers de données personnelles sont constitués, la déclaration à la CNIL et le droit d’accès des personnes concernées doivent être indiqués
- Date et signature des personnes concernées : élève ou étudiant majeur, adulte membre du personnel ou personne extérieure, parents et ou tuteurs…
- Date et signature du responsable de l’établissement
- Deux exemplaires et/ou accès au document
Notes :
- Le droit à l’image relève du droit civil et le droit à la vie privée relève du droit pénal.
- Avant d’entamer une procédure judiciaire qui pourrait s’avérer longue et coûteuse, il est préférable de demander le retrait des photos incriminées, notamment lorsqu’elles sont publiées sur un blog ou une page Facebook. La conciliation étant toujours plus accessible et rapide qu’une action en justice. La démarche : tout d’abord il vous faut faire constater par huissier la publication de la photo (ou les photos) et qu’elle a été publiée par telle personne, avant de pouvoir entamer une procédure contre elle. Commencez par une LRAR (Lettre Recommandée avec Accusé de Réception) de mise en demeure de supprimer la ou les photos. Indiquez qu’à défaut, vous serez contraint de saisir la justice pour obtenir la suppression des images. Si les images sont effectivement supprimées, vous n’aurez pas besoin de recourir à la justice, ce qui est souvent préférable.
- Le respect de la vie privée est fortement protégé puisque l’article 226-1 du Code Pénal punit de 1 an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende toute personne qui, sans consentement, fixe, enregistre, transmet… « l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».